Groupe du mois

  • Vulgaires Machins

    Mois:
    Février 2007
    Entrevue avec:
    Guillaume
    Par:
    Martin Coutu

Comment quantifiez-vous l'impact que peut avoir vos chansons sur les habitudes de vie des gens qui vous entendent? Pourrions-nous même espérer, par exemple, qu'il y a eu des désabonnements au Journal de Montréal suite à la chanson Puits sans fond ?

On ose espérer que dans une large mesure, les gens se laissent atteindre par les idées et les émotions qui son véhiculées par le groupe. On ne quantifie pas en terme de chiffre les personnes pour qui notre musique et nos propos sont une source d’influence. Je pense que les différentes facettes de celle-ci se traduisent de milles façons, toutes plus intéressantes les unes que les autres. Plusieurs personnes témoignent du fait que notre musique soit une source de motivation dans l’engagement et les combats de tous ordres. D’autres pour qui notre musique devient un exutoire qui aide à sortir de l’isolement, de la solitude. D’autres pour qui certains propos poussent vers une réflexion et une recherche de vérité… L’éventail de ce qui ressort est large et il démontre en majeure partie des réactions positives. Si je me réfère à mon expérience personnelle, les Bad Religion, Propagandhi et Clash de ce monde ont littéralement changé ma vision de la musique, voire du monde. La curiosité générée par la puissance de la musique a influencé plusieurs aspects de ma vie, de ma façon de penser. Si une seule personne en ce monde reconnaît le même impact entre autre vis-à-vis du groupe, cela aura justifié tous les efforts investis. Ceci étant dit, je serais surpris que des gens se soient désabonnés du Journal de Montréal en réaction à Puits sans fond… L’intérêt à court terme, en ce qui nous concerne, n’est pas là de toute façon.

On peut sentir un profond dégoût envers le Vans Warped Tour dans Être un comme, dû au fait, entre autres, que notre "jeunesse de punks incorporés" n'a rien à voir avec ces activistes d'autrefois et que ceux-ci achètent aveuglement des billets pour des méga-productions dites "punk" maintenues en vie par des commandites de corporations contre lesquelles on devrait s'opposer. Pourtant, on a pu voir les Vulgaires Machins le 9 juillet dernier au Festival d'Été de Québec, et ce sur la scène Molson Dry. Où doit-on alors tracer la ligne entre l'acceptable et le boycott?

Premièrement, il est faux de croire que nous appelons au boycott du Warped tour. C’est un texte dans lequel je désire soulever des questions sur le phénomène du désengagement politique dans le milieu musical. J’ai mentionné le Warped tour à titre d’exemple étant donné qu’il représente selon moi le porte-étendard du mouvement punk moderne. Nous aurions pu soulever des dizaines d’exemples comme celui-là : Festival d’été de Québec, Francofolies de Montréal, EdgeFest… Aucun d’entre eux n’aurait eu l’impact du Warped tour pour la simple et bonne raison qu’aussi dépolitisé que puisse être le mouvement punk aujourd’hui, il demeure à mon avis, l’un des mouvements musicaux les plus politisés d’entre tous. Ce qui forcément encourage d’avantage le débat. C’est également le festival où les gens sont les plus susceptibles de connaître Vulgaires Machins, plusieurs de nos fans sont des adeptes, ce qui encourage également les réactions. Pour en venir à ta question à savoir où il faut tracer la ligne entre l’acceptable et le boycott ? Je l’ignore ! Du moins, la réponse se doit de différer d’un groupe à l’autre, d’un festivalier à l’autre. Ce dont je suis certain par contre c’est qu’en boycottant les festivals qui outrepassent respect de l’artiste et respect du spectateur, il faudrait pratiquement les boycotter tous. Que ça plaise aux intégristes ou non, les festivals au Québec représentent la source de revenus la plus significative d’entre tous. Bien au-delà des royautés d’albums. Cela va te sembler contradictoire que nous participions à ce genre d’événements parrainés par de grosses compagnies. Tu as raison et nous en sommes parfaitement conscients. Le nerf de la guerre se situe exactement là ! Dans le paradoxe. Cette phrase tirée du texte ne se veut pas nécessairement un leitmotiv pour le groupe. Il représente plutôt une problématique gigantesque : comment arriver à vivre de la musique tout en restant parfaitement intègres ? Dans les conditions actuelles, au Québec, nous croyons que c’est impossible. Cela n’empêche en rien d’utiliser le système à bon escient. Encore faut-il apprendre à gérer l’inévitable et souhaitable critique qui l’accompagne.

Comment se traduisent, dans la vie de tous les jours, les visions politiques et sociales des membres des Vulgaires Machins?

Avoir un groupe représente déjà une tâche non négligeable. Notre quotidien se résume en grande partie à survivre de la musique. Le constat actuel du temps libre qu’il nous reste est teinté de bons et de moins bons coups. Nous sommes malgré tout, en dehors de notre engagement artistique, des citoyens ordinaires qui tentent de faire le plus possible avec un temps restreint. L’art l’oblige. Ça monopolise le clair de notre temps. Ça en laisse bien peu pour descendre et manifester activement dans la rue par exemple. Notre plus grande fierté réside sûrement dans l’accomplissement d’avoir une vie basée sur la simplicité volontaire. Le plus grand pouvoir qui nous soit donné comme citoyen reste le dollar qu’on a dans les poches. C’est par la consommation responsable que nous avons le plus d’impact sur le monde qui nous entoure. Investir dans les producteurs agricoles qui respectent la philosophie biologique est une victoire quand on pense en terme alimentaire. Investir dans un vélo plutôt que dans une automobile, dans la presse indépendante plutôt que dans les grands monopoles médiatiques… Une chose est certaine, nous n’en ferons jamais assez.

Jusqu'à quel point vous opposez-vous à la religion? Célébrez-vous Noël?

Nous ne sommes pas opposés à la religion. Nous sommes agnostiques. Ça signifie que nous ne savons pas. Nous sommes convaincus que nous n’aurons jamais la preuve de notre vivant de quelque forme de sainteté que ce soit. Ce qui oblige par cette conviction, de vivre en fonction de l’humain. En d’autres mots, ça n’est pas que nous soyons contre dieu, nous avons simplement mieux à faire du temps qui nous est donné sur terre. Nous croyons dans le potentiel humain. Nous croyons l’humain en contrôle. Jésus a dit lui-même qui fallait aimer son prochain, nous donnons raison à Jésus là-dessus. Peu importe ce qu’on croit et dit, ce sont les actions qui déterminent qui nous sommes. Dans toutes les bavures de toutes les religions de toutes époques, l’humain a toujours été selon moi, celui qu’il fallait blâmer. Je refuse de remettre la responsabilité de certains actes sur le nom d’une foi. Quelle qu’elle soit. Il faut se battre contre l’ignorance, peu importe si sa source est religieuse ou pas.

Noël, bah! C’est sympathique quand ça ne tombe pas dans les excès de matérialisme...

Est-ce que les droits des animaux est une cause qui vous importe? Quelle est votre opinion envers PETA?

Ça n’est pas un cheval de combat mais oui, ça nous importe. Nous sommes tous les quatre des mangeurs de viande. Ça n’empêche en rien de considérer et d’appuyer à 100% les gens qui ne mangent pas d’animaux, qui combattent pour bannir les expérimentations animales, les fourrures ou toute autre forme de cruauté. C’est une évidence, l’industrie dans l’ensemble abuse des bêtes. Ça n’est toutefois pas vrai pour tous les producteurs qui élèvent pour le marché de l’alimentation. Dans la mesure du possible, nous mangeons de la viande biologique dont nous connaissons la provenance, voire le producteur lui-même. Cela va de soi. C’est la seule façon de revenir à une exploitation responsable et respectueuse. Bien que nous soyons conscients du paradoxe…

Nous n’avons pas de réserves négatives au sujet de la PETA. À moins que tu en aies à nous faire partager.

Absolument pas. Étant membre de cette organisation, j'appuie à 100% leur travail.

Auriez-vous des suggestions de littérature ou de films à donner pour ceux qui veulent en savoir plus sur les problèmes sociopolitiques abordés dans vos chansons?

Les seuls bons sujets qui soient sont ceux qui nous passionnent. Je considère les Éditions Éco-Société comme l’une des meilleures qui soient au Québec. Les sujets et les auteurs sont hyper variés. Vraiment intéressant dans l’ensemble pour quiconque s’intéresse à la chose sociale. [www.ecosociete.org] Personnellement, étant plus jeune, j’ai été beaucoup influencé par Albert Jacquard et l’incontournable Chomsky. Nous sommes des lecteurs de presse indépendante : le COUAC, le Mouton Noir, le Canard Enchaîné et de moins indépendante; Le Monde Diplomatique.

Quelle est la raison première pour laquelle vous chantez en français?

Nous sommes francophones de souche. Il n’y a pas d’autre logique derrière le choix de la langue chantée que le désir d’être sincère et à l’aise dans notre façon de s’exprimer.

Est-il probable, selon vous, qu'une chanson comme Légaliser l'héroïne puisse avoir un impact complètement différent que celui escompté sur un jeune auditeur naïf qui ne comprend pas vraiment le sens des paroles et qui s'en tient qu'au refrain?

Très probable ! Je peux t’assurer que ça arrive. C’est une rançon de la forme d’expression que nous avons choisie. Il nous est arrivé à quelques reprises que des fans témoignent d’avoir passé de bons moments à écouter Cocaïnomane sous l’effet de la cocaïne !?! Je pense que de telles lectures de nos chansons soient au final une bonne chose. Ça prouve à tout le moins que les textes sont propices à en faire une lecture individuelle qui puisse différer de la raison pour laquelle on l’a écrit. C’est exactement pour cette raison que des gens ensuite trouvent matière à débattre de nos textes. C’est ça aussi ouvrir le débat. À travers les courriels de nos fans, il m’arrive souvent de défendre un texte qui a été compris différemment. Les gens trouvent très souvent des significations que nous n’avions pas envisagées. En général, c’est vraiment surprenant et intéressant.

J'étais au Spectrum à Montréal lors du lancement de votre dernier album et je dois avouer avoir été extrêmement déçu de la réponse du public envers le groupe légendaire qu'est Randy qui vous a précédé sur scène. À vrai dire, j'ai eu l'impression qu'on pouvait compter sur les doigts d'une main les personnes connaissant les paroles engagées de nos Suédois favoris. Avez-vous l'impression que tout ce temps d'antenne à Musique Plus et Radio Énergie a fait en sorte que votre public est composé davantage d'adeptes du mainstream que d'amateurs de bon vieux punk-rock à roulettes?

Nous ne cherchons pas à favoriser un public à l’image de ce que « devrait » être un public de punk rock. Au contraire. Je pense que c’est une bonne chose que des auditeurs de radios commerciales qui en soient venus à s’intéresser à notre groupe en viennent par la suite à découvrir un groupe comme Randy en concert. En viennent à découvrir d’autres idées, d’autres façons de penser. C’est la magie de l’échange. Je ne crois pas qu’il faille se décevoir de la réaction des gens ce soir là. Si notre public s’agrandit et rameute des adeptes du milieu mainstream, tant mieux ! Si les fans de longue date et les initiés du mouvement punk continuent à suivre notre groupe et à venir voir les concerts, tant mieux ! Sinon, tant pis ! Pour le groupe, faire des choix artistiques sans tenir compte des éventuels changements au niveau du bassin de fans demeure la meilleure façon d’être sincères envers eux. C’est quand on fait des choix en fonction de nos fans que ça devient artificiel. Il fût un temps ou je n’écoutais que des artistes mainstream... Rien à foutre des intégristes musicaux qui cherchent à garder leur scène fermée. Rien à foutre des gens qui cherchent à se sentir privilégiés et uniques dans les concerts. Nous désirons porter un message. Pas se taper dans le dos dans notre coin. Les Clash ont été critiqués toute leur carrière pour avoir fait des choix artistiques trop mainstream... Vulgaire Machins n’est pas à l’abri de ce genre de réactions. Nous ne sommes pas les premiers, ni les derniers.

Une tournée en France s'en vient dans les prochains mois. Est-ce qu'on peut espérer que les Vulgaires Machins s'exportent aussi un peu plus près de nous, soit dans le reste du Canada et aux États-Unis?

Je pense que non. À moins d’une invitation unique venant de l’extérieur pour prendre part à une expérience. La France demande déjà un temps fou au groupe. Nous avons tourné en sol français six fois. Nous préférons continuer à démarcher et à concentrer nos énergies là-bas. Il serait trop difficile de garder le même esprit et le même enthousiasme si nous décidions de le faire. Le moral et le cœur des troupes dans l’entreprise de l’exportation demeure l’élément le plus important d’entre tous.

Que penser de la récente enquête médiatisée qui avait pour but de quantifier le racisme des Québécois? Est-ce que le fait d'aborder le sujet de cette façon n'aurait pas comme impact d'empirer les choses?

Le débat actuel sur les accommodements raisonnables est sans doute un passage obligé. La question est grandement complexe. Il y a beaucoup de zones grises. Il est pénible de devoir tracer une ligne entre nos libertés, nos acquis et nos droits versus ceux des immigrants. Aborder le sujet de cette façon n’empire pas les choses. Ça met en lumière la mentalité des gens. Oui, nous sommes racistes à bien des égards, ça n’est pas une grande nouvelle à mon avis. Nous sommes aussi comme peuple, complexés sur d’autres aspects du débat. J’ai peur que les décisions politiques soient dirigées vers la logique du capital de sympathie, vers le potentiel des votes éventuels plutôt que vers l’urgence même de régler le dossier et passer des lois claires pour protéger les libertés de tous et chacun. Nous ne sommes pas sortis du bois... Quoique, à la vitesse où nous rasons les forêts, ça ne devrait pas tarder !

À propos

  • Région:
    Montréal
    Ville:
    Montréal
  • Style de musique:
    Punk & Rock
    Actif depuis:
    1995
    Maison de disques:
    Indica
  • Membres

    Guillaume Beauregard -
    guitare, voix
    Marie-Eve Roy -
    guitare, voix, piano
    Maxime Beauregard -
    Basse
    Patrick Landry -
    batterie
  • Site officiel:
    www.vulgairesmachins.org
    Courriel:

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