Get The Shot, bonjour! Commençons simplement. Qui forme le band et quel est le rôle de chacun?
Get The Shot, c’est Dany (basse), Sam (guitare), Max (batterie), Tom (guitare) et J-P (voix).
Bien que le groupe n'existe que depuis les début de 2009, vous « sonnez » déjà comme un band mature. Expliquez-nous ce phénomène; d'où vient toute l'expérience de chacun d'entre vous?
Je doute qu’utiliser le terme « mature » soit vraiment convenable pour décrire le son de Get The Shot. Nous n’avons pas la prétention d’avoir un son aussi accompli et achevé. Comprenons-nous bien, nous ne sommes que cinq salopards n’aspirant à rien d’autre que de jouer des power chords le plus rapidement et le plus sauvagement possible. Néanmoins, ce qui a permis au projet d’aboutir aussi promptement, c’est sans aucun doute le fait que la plupart d’entre nous avions déjà une bonne expérience du milieu punk et hardcore. Sam et Dany ont longtemps représenté la divine contrée de Charlesbourg dans la formation punk Not 4 Pigs, Max a terrassé la région de Thedford Mines lorsqu’il jouait dans Airport Avenue et pour ma part, j’ai eu le privilège faire partie du groupe hardcore Bridge Too Far et du quatuor folk Arcania Fades. Si le fait d’avoir un minimum de colère envers le monde tel qu’on le connaît m’apparaît comme le seul et unique pré-requis pour jouer du punk rock, il va sans dire que jouer avec des gars qui ont déjà foulé la scène plus d’une centaine de fois, ça rend la tâche beaucoup plus facile.
Qui a trouvé le nom du band et ça remonte à quand? Que signifient ces trois mots pour vous?
C’est moi qui a proposé le nom ‘’Get The Shot’’. Ce terme est directement tiré d’une chanson écrite par Attitude, un groupe hardcore de Syracuse. Cette chanson fait, en quelque sorte, la critique en règle d’une société malade et aliénée qui tente par tous les moyens de nous faire croire en l’illusion de bonheur qu’elle projette. Dans ce texte assez bref, le groupe fait remarquer que tout ce que cette société administrée recèle en son sein, c’est l’ignorance et l’oppression. Or, selon moi, cette chanson illustre avec justesse tout ce que devrait être le punk et le hardcore, c’est-à-dire un positionnement critique, sévère et intransigeant envers l’establishment. Le terme ‘’Get The Shot’’ exprime justement à mes yeux l’état de ce bon peuple aveugle qui se laisse injecter directement dans les veines le germe de la bêtise et de l’inertie sociale.
Vous dites dans votre biographie « vouloir cracher votre rage dans la face du monde ». D'où vous vient toute cette rage?
À mon sens, il est inconcevable de jouer du punk ou du hardcore si l’on ne possède pas, au plus profond de son être, une certaine haine, une colère, une aversion vive envers l’ordre établi. Le punk et le hardcore ont toujours signifié une révolte, une volonté d’insoumission à l’égard des « valeurs » que cherche sans cesse à nous imposer la société de marché. Cette contestation, à mon avis, ne saurait être honnête et authentique que si elle est motivée par un sentiment de rage et d’exclusion. Quelle rage ? Celle de se voir dicter un mode de vie qui nous paraît absurde, celle de voir notre humanité réduite à un acte de consommation, celle d’être considéré comme un déchet social du seul fait de sa marginalité, celle de voir notre génération sombrer dans l’éphémère et l’artificiel, etc. Comme si l’on devait nécessairement crever bête et aliéné! Dans de telles conditions, il y a de quoi vouloir « cracher sa rage dans la face du monde ».
Le mouvement punk hardcore a encore l’avantage d’être un médium par lequel les ordures, les rejets et les exclus de la société de masse tels que nous peuvent faire valoir ce qu’ils sont et exprimer leur colère sans être persécuté pour autant. Malheureusement, trop souvent on sent que les shows punk ou hardcore ne sont plus lieu de débat et de révolte mais deviennent tranquillement le reflet même de la société contre laquelle on se bat. Rien ne m’apparaît plus aberrant et hypocrite que cet individualisme, ce narcissisme, ce « chacun pour soi » qui semble régner chez certaines personnes qui assistent aux spectacles punk hardcore. Sans vouloir faire le procès de l’égocentrisme, il me semble tout de même que ce mouvement perd sa raison d’être s’il cesse d’être une communauté. C’est pourquoi, il y a parfois raison d’être non seulement enragé mais aussi foutrement désillusionné.
En enragés que vous êtes, quels sont les principaux sujets abordés dans vos chansons?
Pour moi, Get The Shot a été l’opportunité d’explorer les côtés les plus sombres et les plus malsains de ma personnalité. Le groupe s’est formé à une époque où j’avais plus que jamais besoin de faire le point sur ma vie de bâtard et j’en ai profité par le biais de la musique pour mener un auto-examen de ce que j’étais. À mon sens, la critique la plus virulente du monde qui m’entourait passait d’abord par la critique de ce que je voyais chaque jour dans le miroir, en l’occurrence moi-même. Le résultat est alors quelque chose de très introspectif à la limite du misérable. Le thème de la colère face à l’impuissance revient souvent dans les textes du nouveau E.P., impuissance non seulement à l’égard de ce qui nous entoure mais aussi à l’égard de soi-même. Une des chansons relate notamment la dépression que ma mère a dû surmonter au cours de la dernière année. Je peux vous assurer que rien n’est plus affligeant et écrasant que d’assister impuissant au dépérissement de l’un de ses proches. La mort est aussi une idée qui revient souvent dans les textes de Get The Shot. Parfois, en regardant ce qu’on est devenu, on constate avec regret qu’on est loin d’être la personne que nous aspirions à être. Imbriqué dans la logique et la routine de la société de consommation, on a vite l’impression d’être déjà mort et d’avoir perdu tout espoir d’un monde meilleur. La rage envers le monde qui nous entoure devient alors vite une rage dirigée envers soi-même, envers sa propre faiblesse et sa propre inertie.
Le 5 décembre prochain, vous lancerez à Québec votre premier EP. Pourquoi l'avoir intitulé « In Fear We Stand »?
Le titre du E.P. traduit cet état de peur généralisé qui caractérise le monde contemporain : la peur de l’Autre, la peur de l’inconnu, la peur du différent, la peur de la répression, la peur de soi-même. Il va sans dire que c’est le thème-clé de tous les textes. Ainsi, à la malheureuse devise nationale américaine « En Dieu nous croyons », nous opposons « Dans la peur, nous nous tenons ». Le titre du E.P. est alors à la fois le constat d’une société et d’individus qui n’avancent pas, qui n’évoluent pas parce qu’ils éprouvent constamment la crainte violente d’un danger réel ou imaginaire mais c’est aussi un cri de ralliement pour les exclus, les dérangés comme nous qui se serrent encore les coudes pour lutter contre l’oppression, qu’elle provienne de quelqu’un d’autre ou de soi-même.
Comment décririez-vous la musique qui s'y retrouve?
En termes clairs et simples, je dirais rapide, agressive et mélodique. Appelez la hardcore, punk ou comme vous le voulez.
De quelle façon et avec qui le EP a-t-il été enregistré? Ça s'est bien passé? Êtes-vous satisfaits à 100% du résultat?
Le E.P. a été enregistré par Benoît Fecteau et l’équipe du Studio Clandestin à Québec. Nous sommes extrêmement satisfaits du résultat, surtout si l’on prend en considération la vitesse fulgurante à laquelle la production s’est faite : quatre jours d’enregistrement, trois jours de mixage, le tout échelonné sur environ trois semaines. Benoît, Sylvain et le reste de l’équipe ont fait un travail monumental en un temps record et ce, sans lésiner sur la qualité du produit. On ne pouvait pas demander mieux.
Suite à la première écoute de « In Fear We Stand », j'ai tout de suite pensé à Comeback Kid. Quels sont les principales influences qui vous ont mené vers ce son et ce type de composition?
Les influences à l’intérieur du groupe sont extrêmement variées considérant que les membres proviennent tous d’horizons musicaux différents. Pour ma part, j’ai surtout été inspiré par des formations hardcore comme American Nightmare, Modern Life Is War, Suicide File, Chain Of Strength, Judge, Champion et Staygold. Le reste des membres ont surtout été inspiré par la vague punk rock plus rapide des années 90 : Good Riddance, Propagandhi, Pridebowl, Satanic Surfer, etc.
Selon vous, quelle place prend (ou plutôt, prendra) ce EP dans le paysage musical québécois?
Il prendra la place que les kids voudront bien lui donner.
Maintenant, l'éternelle question posée aux artistes qui s'expriment en anglais au Québec. Pourquoi avoir choisi un nom de band, un titre d'album et avoir composé des chansons en anglais alors que vous êtes francophones?
À mon sens, il s’agit là strictement d’une question de fidélité à l’égard du contexte d’émergence de la musique en question. Le punk et le hardcore sont issus de milieux anglo-saxons, la langue anglaise fait donc partie prenante de ces formes musicales, elle en constitue l’essence. Difficile de s’en sortir. Selon moi, il est périlleux d’extirper un procédé musical du milieu culturel et linguistique qui l’a vu naître. On ne peut pas parler de punk sans faire référence à la période de 1976-80 incarnée par les groupes britanniques comme les Sex Pistols ou The Clash au même titre qu’on ne peut pas parler de hardcore sans penser à des formations américaines comme Black Flag ou Minor Threat. Sans dire que le punk et le hardcore ne doivent pas être pratiqués dans une langue autre que l’anglais, j’ai toujours préféré rester fidèle aux racines linguistique et culturelle du mouvement, au même titre que je ne pratiquerais pas le folklore québécois dans une langue autre que le français. Par ailleurs, c’est aussi une question de préférence rédactionnelle. Pour ma part, je n’ai jamais su écrire une chanson habilement en français. J’ai toutefois énormément de respect pour ceux qui réussissent à le faire. Mais ce serait faire preuve d’une grande étroitesse d’esprit que de dire que, parce que tu es Québécois, tu dois obligatoirement écrire en français. Ce qui importe à mes yeux, c’est moins la langue qui est utilisée que le fait qu’il y ait encore des gens capables de protester contre le système avec pour seules armes du papier et un stylo. Donc, écrivez en français, en anglais, en allemand, en espagnol, en mandarin, en russe, mais… écrivez!
Avez-vous des concerts, des tournées et autres trucs à venir?
Nous lancerons notre E.P. le samedi 5 décembre prochain au Kaméléon en compagnie de As Fall Comes et nous jouerons à l’Agitée le dimanche 6 décembre avec Signs of Hope dans le cadre de l’après-show de Despised Icon. Nous serons aussi de passage à Thedford Mines le 12 décembre et le 30 janvier à Ste-Marie de Beauce. D’autres dates sont à venir pour l’hiver. Consultez le www.myspace.com/gettheshothc pour vous tenir au courant de ce qui se passe.
Avec vos anciens groupes respectifs, vous avez tous eu la chance de partager la scène avec des artistes de haut calibre. Quels sont ceux qui vous ont le plus impressionné et pourquoi?
Il y a deux ans, j’ai eu le privilège de partager la scène avec Agnostic Front. Ce fut l’une des expériences les plus enrichissantes qu’il m’a été donné de vivre. Non seulement parce qu’il s’agit d’un des groupes m’ayant ouvert à la culture hardcore quand j’étais adolescent mais surtout parce qu’ils font partie des gens les plus honnêtes et intègres que j’ai eu l’occasion de rencontrer dans ce milieu. Même après avoir porté le flambeau du mouvement hardcore pendant plus de 27 ans, ces gars-là semblent toujours aussi terre à terre et aussi près des kids qu’à leurs débuts. Et Vinnie Stigma est sans contredit l’un des musiciens les plus chaleureux et les plus inspirants que j’ai pu côtoyer dans ma courte existence.
En terminant, y a-t-il une ou plusieurs leçons que vous avez apprises tout au long de ces années d'expérience qui seraient utiles à savoir pour les nouveaux groupes qui n'en sont qu'à leur premiers pas dans le domaine?
En toute honnêteté, je trouve ça plutôt présomptueux de faire la leçon aux jeunes groupes. Je n’ai jamais aimé jouer les moralisateurs.
La citation du mois de Get The Shot:
« Ce que vous appelez l’enfer, il appelle ça ‘’chez lui’’ », Colonel Trautman, Rambo II
Membres
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